Petit fille, ma mère me disait « Se tromper, perdre, ne pas réussir c’est une chose. Mais comprendre comment et pourquoi la difficulté et l’ignorance nous a envahis au point d’échouer, c’est essentiel pour mieux réussir les fois prochaines. ». Cet enseignement a conduit la plupart de mes choix, me permettant d’aller vers l’inconnu, de prendre des risques pour tenter des expériences qui me paraissaient instructives pour moi dans les différentes facettes me composant. Ce point d’appui de mon éducation a été essentiel. Aujourd’hui, j’en mesure la dimension.
Deux convictions fondamentales pour moi m’apparaissent au-delà d’un affichage intellectuel nourrissant mes différentes actions : je suis une et mille à la fois, l’expérience m’enseigne et me guide. Ces convictions peuvent apparaitre évidentes pour certains. Elles le sont, et pourtant…
En effet, nous sommes unis sous un même corps, une même apparence, nous nous appelons par un prénom qui nous identifie. En revanche, selon les situations vécues, selon les domaines de notre vie concernés, nos sensibilités, nos représentations, nos émotions nous rappellent que nous sommes parcourus de plusieurs couleurs révélant des personnalités complexes.
Tirer les enseignements de l’expérience vécue peut aussi apparaitre comme un conseil facile et évident. J’ai l’habitude de dire que pédaler tout en se regardant pédaler est parfois risqué voire même dangereux. Observer l’expérience comme un objet équivaut pour moi à prendre de la distance sur le fait, pour tirer effectivement les enseignements de cette expérience. Seulement, l’expérience dont il s’agit c’est une part de mon vécu, rempli d’émotions, d’affect, qui touchent ce que je suis, qui peut modifier ce que je pense, qui finalement m’apporte de la nouveauté bouleversant mes certitudes. Aussi, parfois comprendre mon expérience est douloureux et pourtant tellement riche à mon évolution.
Ces deux fondamentaux posés : la complexité de notre personnalité et l’apport de l’expérience, je m’interroge sur la facilité à établir des liens entre expériences et soi. Comment
établir des passerelles entre des vécus personnels, parfois intimes et le champ des compétences, des capacités qui peuvent s’enrichir pour être plus justes lors de situations
professionnelles ? Pléthores d’accompagnements, de thérapies, de modalités aident à établir ces liens, proposant l’appui d’un tiers extérieur qui facilitera ces démêlements d’écheveaux
parfois existentiels. Mais gagner en autonomie pour se distancer soi de nos expériences, est-il un apprentissage possible ? Les capacités nécessaires à cette forme de distanciation
sont-elles intégrables pour tous et à quelles conditions ? Carl Rogers posait la congruence comme un principe important du lien thérapeutique vis-à-vis de son client. Il
précisait la congruence comme une capacité à conjuguer le traitement de son expérience en tant que personne et non thérapeute et donc de prendre conscience, c’est-à-dire
d’intégrer les effets et les apports de son expérience personnelle pour servir la relation avec son client. La congruence, j’ai eu la chance que ma mère m’éveille à sa
sensibilité, à sa construction. Elle m’a permis de façonner cette congruence sans la nommer, au fil de ma vie et de toujours la remettre sur l’ouvrage. Cette recherche de
congruence m’interroge encore et représente toujours une quête personnelle et intime.
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