Assistante, tout un art

Assistante, tout un art

Assister; l’étymologie[1] du verbe répond à l’intention première qui m’a conduite à proposer à mon mari de l’assister dans ses missions professionnelles, être debout auprès de lui. En effet, des mois de séparation dus à son activité professionnelle nous figeaient l’un et l’autre dans un isolement plombant notre quotidien. Nous n’avions pas décidé de nos orientations professionnelles respectives pour nous laisser imposer un mode de vie qui ne nous convenait pas, dans notre dernière ligne droite d’activité. Que cela ne tienne, je lui proposais une collaboration…Quel ne fut pas son étonnement. Nos métiers respectifs très différents, pour lui expert en bâtiment et moi consultant en changement sociaux, nous permirent d’échafauder depuis longtemps des passerelles de discussion et d’échanges que des métiers trop connexes n’auraient pu nous offrir,  mais tout de même, de là à collaborer et de surcroit sur son terrain…

Une fois la surprise transformée en un éventuel possible, je m’engageais sur des dates auprès de lui…

L’appréhension de la découverte d’un métier totalement nouveau me replongeait jeune adulte découvrant le monde du travail, mais l’expérience aidant et mon état relativement serein à cette période ont permis une période d’adaptation relativement courte. Une actualité technique paisible pour ce premier chantier, et la rencontre de publics d’un nouveau genre pour moi, des acquéreurs de logements me tenaient en haleine et amenuisaient les effets d’un rôle d’assistante que j’avais peu rencontré encore dans ma carrière…Je portais un regard sociologique sur ces situations et me délectais. Aussi, explorant depuis près de 10 ans maintenant le changement social spécifique à des choix d’orientation professionnelle subis ou raisonnés, conduire cette expérience dont j’étais le sujet agissant du type l’arroseur arrosé pouvait me nourrir en terme d’enseignements pour améliorer mes accompagnements futurs.

 

La deuxième semaine de collaboration se déroulait sous des hospices nettement moins propices à la sérénité. Je comprenais les tensions, le stress que pouvaient produire un chantier dont chaque corps de métiers intervient au sein d’un continuum de construction avec le risque de collusion en chaine dès lors ou un maillon faillit. Prendre des décisions dans l’urgence, répondre aux sollicitations désespérées de certains acquéreurs, calmer les peurs, secouer des artisans, rassurer les commanditaires ne m’incombaient pas mais soutenir le professionnel expert était la première fonction de l’assistante qui m’était dévolue pour de bon.  Soutenir ou attraper des consignes envoyées à la vitesse de l’éclair, anticiper des actions pour gagner du temps, faire bonne figure en face d’acquéreurs parfois excédés, en dire suffisamment mais pas trop, bref rester dans son rôle …je peux le dire maintenant assister c’est garder un équilibre précaire en  permanence ou reconstruire un équilibre toujours menacé… « restée debout «  l’expression prenait de la consistance…

 

Aujourd‘hui, je m’adresse à mes collègues, clients :  prenez soin de vos assistants, être « debout »entre le marteau et l’enclume est une position inconfortable exigeant des acrobaties subtiles.

A l’annonce de cette intention de collaboration, une amie s’inquiétait de la solidité de notre couple à résister à cette aventure…je prenais cette crainte avec humour mais  finalement, le risque était là…Et à la fois, l’intimité que nous partageons a facilité mon adaptation à la fonction…intimité pour lire des attitudes corporelles, décrypter une gestuelle avant même que les mots n’expriment une réaction et des sentiments pour accepter de vivre une position que certains qualifieraient de basse par rapport à mes fonctions professionnelles habituelles. Peut-être que les assistants dont c’est le métier éprouvent ces sentiments d’attachement à leur manager, à leur responsable,..pour créer ce lien transparent, cet appui peu visible mais essentiel aux décideurs à la réalisation de leurs missions…



[1] assister venant du latin « assistere » être debout, terme du XIV siècle : être présent auprès de quelqu’un , se tenir auprès de lui. 

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